Ricard

La pureté de l'anis



Nous sommes dans les années trente. Depuis le 16 mars 1915, sous la pression des ligues de vertu et du lobby viticole, la "Fée verte" - l'absinthe et ses 72° - est interdite au prétexte qu'elle "rend fou et criminel". Les consommateurs doivent se contenter de liqueurs anisées à 40° - La Cressonnée, la Tommysette, l'Amourette, Berger et le déjà célèbre Pernod - dont les ventes sont autorisées depuis 1922 mais dont la saveur n'est pas satisfaisante.
On leur donne alors le nom de "pasticchio", mot d'origine italienne signifiant situation trouble ou méli-mélo. C'est dans ce contexte que Paul Ricard conduit des recherches dans un petit laboratoire de fortune avec pour objectif : créer son pastis, trouver une saveur unique. Durant un an, il façonne son œuvre, décrypte chaque arôme, mélange, associe, harmonise, met au point des méthodes d'extraction et de macération. Comme tout créateur, il a un parti pris : restituer la pureté de l'anis. Puis, il apporte de la rondeur avec une nuance de réglisse et exalte la saveur de l'anis avec certaines plantes de Provence qu'il sélectionne l'une après l'autre. Un travail à temps plein car il lui faut écarter un grand nombre de plantes aromatiques qui risqueraient de parasiter le goût de l'anis.
En 1932, la magie s'opère enfin. Le 7 avril est un jour particulièrement fêté à Marseille: un décret libéralise la fabrication et la vente de boissons anisées à 40°. Paul Ricard vient de créer la recette originale de son pastis qui désigne alors pour la première fois un apéritif. Il lui donne son nom "Ce sera Ricard, le vrai pastis de Marseille". Cet engagement figurera sur chaque bouteille de Ricard : "Sur de la grande qualité de mon pastis et fier de son goût unique, j'engage mon nom pour votre plaisir". Certes, une saveur est née mais aussi un mode et un rituel de consommation. Avec une dose de Ricard et cinq volumes d'eau, Paul Ricard lance le premier long drink à la française, une recette légère et originale qui est aussi à l'origine du succès de la marque.
5 volumes d'eau

En 1936, l'année du Front Populaire, le "vrai pastis de Marseille" se déguste à Lyon où est lancée la première grande campagne publicitaire avec, pour slogan "Buvez le pastis à la marseillaise, à petites doses, avec cinq volumes d'eau".
En 1938, la teneur en alcool du pastis est portée à 45°. Cette élévation de l'alcool est déterminante car elle permet de dissoudre plus d'essence d'anis et de donner toute sa saveur au produit.
Les vendeurs, animateurs et militants

Dès les premières années, Paul Ricard est présent sur le terrain avec ses vendeurs. "L'exemple ne se délègue pas", dira-t-il. Ainsi, avec sa force de vente, il fait connaître son produit par des dégustations. Il est en contact permanent avec les cafés et la distribution et manifeste sa présence dans chacune des fêtes locales ou nationales. Sa réussite de chef d'entreprise s'appuie aussi sur un autre principe: donner la priorité aux ressources humaines. Ainsi, bien avant la loi sur la participation, il distribue des actions aux salariés et met en place des mesures sociales d'avant-garde. "Une entreprise est un bien commun qui doit servir au plus grand bien de chacun " , tel est le principe de sa philosophie.
J'emm...

Paul Ricard ne baisse pas pour autant les bras. Durant les "années noires", il se replie dans son domaine de Méjanes en Camargue, où il relance la riziculture et fait de l'élevage, exploite l'eau minérale du Pestrin, une source acquise en Ardèche, produit des jus de fruits et les distille pour fournir du carburant à la Résistance. Autant d'activités qui permettent à ses salariés d'éviter le travail obligatoire en Allemagne. Courant la Camargue à cheval, il clame: "J'emmerde le Maréchal Pétain et son gouvernement". Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un décret de 1944 n'abolit que partiellement l'interdiction de Vichy puisque l'apéritif est autorisé à 40° seulement.
La marque de la fête

Un vent de semi liberté souffle en 1951. Côté pile: le décret sur le pastis est abrogé en mai qui porte le degré à 45. Côté face : une loi du 6 janvier de la même année interdit la publicité des spiritueux anisés par affichage et voie de presse quand celle d'apéritifs plus alcoolisés, comme le whisky, demeure autorisée. Comment, alors, communiquer ? Avant la guerre, Paul Ricard se singularisait déjà de la réclame traditionnelle en créant autour de sa marque un art de vivre, en organisant notamment des tournées musicales avec des vedettes, tel que le chanteur Darcelys. Il renouvelle l'expérience en 1948 en inventant le sponsoring avec une tournée sur les étapes du Tour de France. Au programme, Darcelys, mais aussi Tino Rossi, Charles Trenet et Annie Cordy. Il va aussi inonder le pays d'objets publicitaires à son nom: casquette, cendrier, pichet bleu et jaune, etc. Le pastis Ricard ne connaîtra aucune frontière culturelle ou géographique. Comme en témoignent sa présence à la Fête de l'Huma et la bénédiction donnée en mars 1961 à la "fabbrica Ricard" par le pape Jean XXIII.



Une marque citoyenne

En 1970, il construit le circuit Paul Ricard qui accueille aujourd'hui les plus grandes épreuves internationales de sports mécaniques. "Je n'ai jamais lésiné sur mes rêves", confiait Paul Ricard.

Entre temps, désireux de "laisser la place aux jeunes", Paul Ricard quitte la direction de son entre- prise en 1968, date à laquelle les ventes de Ricard atteignent des chiffres record. En 1974, partant du principe qu'il vaut mieux s'unir pour croître ensemble, Ricard et Pernod se rejoignent et créent le Groupe Pernod Ricard, que Patrick Ricard, fils cadet du fondateur, dirige aujourd'hui.
Si Ricard fait encore et toujours partie de notre patrimoine, c'est non seulement grâce à l'authenticité de sa saveur, mais aussi grâce à son succès toujours grandissant dû à sa puissance marketing et commerciale.
Déjà connue dans la Haute Antiquité, la badiane, originaire du Levant, était appréciée pour ses vertus thérapeutiques en particulier stomachiques. Elle fut introduite en France aux temps de Marco Polo. Le fruit de la badiane a l'aspect d'une étoile composée de six à huit follicules.


Qualité, authenticité, convivialité, fête, impertinence, Ricard bénéficie aujourd'hui d'un capital d'image fort et fait l'unanimité des générations. Ce résultat est le fruit d'une stratégie marketing innovante et offensive qui se manifeste tout d'abord par une démarche publicitaire puissante.
Ainsi, depuis la célèbre campagne "Un 1 Ricard, sinon rien" lancée en 1984 par l'agence Young & Rubicam à "Oui, un Ricard", la marque a développé une véritable saga publicitaire: chaque campagne figure aux premières places des campagnes de spiritueux. Et ce, malgré un cadre législatif contraignant : la loi Barzac (1987) interdit le sponsoring sportif et la loi Evin (1991) impose de ne communiquer que sur l'origine du produit et son mode de consommation.
La marque au service de l' Art


Avec une force de vente de plus de 500 personnes, Ricard se singularise aussi par sa forte présence sur le terrain, sa capacité à être proche du consommateur, à s'adapter aux différents modes et évolutions de consommation.
La convivialité ne se décrète pas ; elle se vit au quotidien. C'est pourquoi, les vendeurs Ricard sont aussi des animateurs participant activement aux milliers de manifestations auxquelles Ricard s'associe.




La singularité de cette démarche illustre la stratégie commerciale du leader mondial des anisés : être en permanence à l'écoute de la distribution et des consommateurs afin d'anticiper leurs attentes.
Ricard lance cette année une nouvelle campagne signée pour la première fois de la griffe du créateur Paul Ricard et une campagne presse au ton impertinent "Respectons l'eau".
En l'an 2000, Ricard célèbrera ses 2 milliards de bouteilles vendues depuis 1932. Sachant que pour un volume de Ricard, il faut cinq volumes d'eau, la consommation d'eau depuis 1932 aura été de …






Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 4 autres membres