La Tribu

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Les denrées insolites

 

L’histoire de l’alimentation de nos ancêtres connait depuis quelques années un profond renouvellement. Il en ressort une vision , moins pessimiste, qui évitent le généralisations et souligne la variété de l’approvisionnement. Après s’être beaucoup intéressé aux denrées ordinaires comme le pain, le vin ou le poisson, les historiens se penchent maintenant avec curiosité sur la viande ou les fruits. Le généalogiste peut rencontrer dans les archives, des mentions de victuailles insolites, notamment en période de profonde difficulté (disette, famine, guerre) ou dans des milieux très défavorisés. Certaines denrées qui étaient à la mode ont ensuite cessé de l’être.

 

Les grands oiseaux et les échassiers, au même titre que la venaison et le gibier, sont viandes nobles, privilèges des seigneurs qui disposent du droit de chasse. Jusqu’au XVIème siècle, ces oiseaux d’apparat ornent la table des grands. Il ne s’agit pas seulement des faisans, mais bien des très grands oiseaux ou échassiers comme le paon, la grue, le héron, la cigogne, le cygne, le butor, le courlis, l’outarde ou le cormoran. Ces oiseaux, ainsi que l’aigle, sont encore servis à table en Angleterre au XVIIème siècle.

 

Des oiseaux plus ordinaires comme la pie et le geai étaient mangés. De même, on a abandonné peu à peu la consommation de corbeaux, de corneilles, de choucas, d’étourneaux et même de merles, que l’on trouvait aisément dans le commerce.

 

La consommation d’insectes apparait beaucoup plus rarement dans les archives. A la fin du XVIème siècle encore, un certain Moufet résume les qualités gastronomiques du criquet. Il prétend que leurs cuisses en poudre mêlées à du sang de bouc guérissent de la lèpre. On les apprécie beaucoup accompagnées de racines de primevères et de fenouil: c’est bon pour les yeux. Avec du vin, elles protègent contre les piqures de frelons ou de guêpes. L’idéal est de les mélanger avec un peu de sel, ce qui les rend aphrodisiaques.

 

La viande du bouc, de la chèvre et du chevreau se mangeait parfois, dans certaines régions. Dans beaucoup de villes, les boucheries rassemblent au même endroit les bouchers qui vendent des viandes nobles comme le veau, le mouton et le bœuf. On les sépare alors nettement des autres espaces de ventes de viandes subalternes voire viles, qui sont proposées au banc (étals) des abats, des tripes ou des chèvreries. A Agen, par exemple, au XVIIIème siècle, les deux boucheries, la grande et la petite, ne peuvent pas être confondues avec la chèvrerie; dans cette dernière, les viandes proposées (chèvre, brebis mais aussi vache) valent 40 % de moins qu’aux boucheries!

 

La chèvre et le bouc se consomment alors couramment. Le chevreau (dit aussi cabril, ou jeune bouc) fait partie des viandes vendues par les bouchers de Nantes en 1571. Lors d’un banquet pour des personnalités réunies à Genève, à la fin du XVIIème siècle, on sert, parmi bien d’autres morceaux bien sur, une hanche de chèvre. Au début du XVIIème siècle, les habitants de Montfaucon dans la vallée du Doubs, doivent un patey de chart de chèvre à leur seigneur, chaque année: mais le comptable de la seigneurie note que cela ne rapporte rien car les commis le mangent! Mais au XVIIème siècle, la consommation de la chèvre recule. Jacques Savary des Brusions, en 1742, dit que la chair de chèvre sert quelquefois de nourriture aux pauvres gens tandis que plusieurs estiment la chair du chevreau aussi délicate à manger que celle de l’agneau. Aujourd’hui la chèvre salée est un plat réputé dans le haut jura, autour de Saint Claude.

 

Le cheval et le chat aussi ne se mangeaient qu’en période très difficile comme le chien ou le rat. Le curé de Camarde, près de Foix (Ariège) raconte que lors de la famine de 1694, des gens ont mangés des chiens et des chevaux. Cette même année dut abominable partout. Jean Chapelon, prêtre à Saint Etienne, confirme le phénomène: Croiriez vous qu’il y en a eu qui, à grands coups de couteaux, ont disséqués des chiens et des chevaux, les ont mangés tout crus… A Nancy, des pauvres affamés vont déterrer des chevaux tant la faim est cruelle et déplorable. A dire vrai, on ne mange guère de cheval, sauf circonstance de famine, avant 1870. De même, la consommation d’âne est rarement attestée. A la table des religieuses béguines du couvent des Wetz, à Douai, on relève la présence de chair d’âne, à la fin du Moyen Age.

 

Pour le chat, les archives sont corroborées par l’archéologie. A Besançon, les fouilles menées dans une citerne ont permis de retrouver de nombreux ossements et leur analyse a montré que les jeunes chats étaient consommés dans des cas exceptionnels, jusqu’au milieu du XVIème siècle. On les mangeait cuits à l’étouffée pour que la viande se détache plus facilement.



13/04/2011
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