 «Le Charlemagne» d’Albrecht Dürer
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Charles Ier, dit le Grand ou Charlemagne (en latin Carolus Magnus, en allemand Karl der Große), est né le 2 avril, probablement en 742 ou 748, sans certitude quant au lieu de naissance. Il est mort à Aix-la-Chapelle le 28/janvier/814. Il est roi des Francs 768 - 814, devient par conquête roi des Lombards 774 - 814 et est couronné empereur par le pape Léon III le 25/décembre/800, relevant une dignité prestigieuse disparue depuis l'an 476 en Occident.
Monarque guerrier, il agrandit notablement son royaume par une série de campagnes successives, en particulier par la lente mais néanmoins violente soumission des Saxons païens 772 - 804. Souverain réformateur, soucieux d'orthodoxie religieuse et de culture, il protège les arts et les lettres et est à l'origine de la « renaissance carolingienne ».
Son œuvre politique immédiate ne lui survit pas longtemps. Respectueux de la tradition germanique en matière successorale, Charlemagne avait prévu le partage de l'Empire entre ses trois fils dès 806. L'empire ne sera finalement partagé entre ses trois petits-fils qu'au traité de Verdun en 843. Le morcellement féodal des siècles suivants, puis la division de l'Europe en États-Nations rivaux condamnent à l'impuissance ceux qui tentent explicitement de restaurer l'empire universel de Charlemagne, en particulier les souverains du Saint-Empire romain germanique, d'Otton Ier en 962 à Charles Quint au , ou encore Napoléon Ier, hanté par l'exemple du plus éminent des Carolingiens.
Pourtant, Charlemagne peut être considéré comme le « Père de l'Europe », pour avoir assuré le regroupement d'une partie notable de l'Europe occidentale, et posé les principes de gouvernement dont ont hérité les grands États européens.
Biographie
Charlemagne est le plus illustre représentant des souverains de la dynastie carolingienne, qui lui doit d'ailleurs son nom. Petit-fils de Charles Martel, il est fils de Pépin le Bref et de Berthe de Laon dite « au Grand Pied ».
Date et lieu de naissance
La naissance et l’enfance de Charlemagne restent obscures, faute de documents d’époque.
L'année de naissance de Charlemagne est sujet de discussion. La date de 742 est avancée par le père Anselme, qui reprend l'unique témoignage d'Eginhard, qui dit dans sa Vita Karoli Magni que Charlemagne avait soixante-douze ans à son décès en 814. Mais il est apparu qu'Eginhard paraphrasait la Vie des douze Césars de Suétone, ce qui fait que l'âge qu'il donne à Charlemagne n'est pas du tout fiable. En ce qui concerne le jour précis de sa naissance, un calendrier du de l'abbaye de Lorsch dit que la naissance de Charlemagne a eu lieu un 2 avril (IV nonas aprilis, nativitas domni et gloriosissimo Karoli imperatoris et semper Augusti). En 755, un clerc irlandais du nom de Cathuulf rappelle à Charlemagne que tout le clergé avait prié pour que le roi et la reine eussent un enfant : cela suppose une naissance forcément légitime, pour que le clergé fasse une telle action, et plusieurs années après le mariage (Pépin et Berthe se sont mariés en 743 ou 744). Les Annales Petaviani (Annales de Petau) donnent la date de 747, mais soulèvent un problème : elles précisent également que Charlemagne est né après le départ de son oncle Carloman pour Rome, évènement qui a eu lieu après le 15/août/747. De plus, en 747, Pâques tombe le 2 avril et les chroniqueurs n'auraient pas manqué de signaler cette coïncidence. C'est pour ces raisons que la naissance de Charlemagne est plus probablement à dater du 2/avril/748.
Selon certains, il aurait vu le jour en Austrasie à Herstal ou à Jupille, où réside le plus souvent son père Pépin le Bref (Herstal et Jupille se situent aujourd'hui dans la banlieue nord de la ville de Liège en Belgique et furent à une époque des lieux de résidence privilégiée de certains ancêtres des Carolingiens, notamment Pépin le Gros, le père de Charles Martel).
D'autres lieux de naissance sont également évoqués : Aix-la-Chapelle, à Ingelheim, Quierzy-sur-Oise ou encore
Début du règne
Après la mort de Pépin le Bref, le 24/septembre/768, ses deux fils Charles (futur Charlemagne) et Carloman sont élus rois le 9/octobre/768 par une assemblée populaire. Charles se voit attribuer la partie de territoire que possédait son père, et Carloman le royaume de leur oncle Carloman, frère de Pépin le Bref. En 770, son frère refusant de l'aider, Charles est seul à combattre et à remporter une victoire complète sur les peuples d'Aquitaine aux velléités d'indépendance. En 771, soit après un peu plus de trois années de règne et de paix relative entre les deux frères, Carloman meurt au palais carolingien de Samoussy, tout près de Laon. Dès le lendemain de sa mort, Charles s'empare du royaume de son frère en usurpant l'héritage de ses neveux. Gerberge, la veuve de Carloman, se réfugie en Italie, avec ses fils et quelques partisans. À l'âge de vingt-neuf ans, Charles est alors élu souverain de tout le royaume franc.
Extensions territoriales
La guerre entre Charlemagne et les Saxons. Éginhard, Vita Karoli magni, XIIIe siècle.
Dans le royaume franc, les puissants (principalement les ducs, comtes et marquis) accueillent des hommes libres qu'ils éduquent, protègent et nourrissent. L'entrée dans ces groupes se fait par la cérémonie de la recommandation : ces hommes deviennent des guerriers domestiques (vassus) attachés à la personne du senior. Le seigneur doit entretenir cette clientèle par des dons pour entretenir sa fidélité.
La monnaie d'or devenant rare du fait de la distension des liens commerciaux avec Byzance (qui perd le contrôle de la Méditerranée occidentale au profit des musulmans), la richesse ne peut guère provenir que de la guerre. Celle-ci procure du butin et permet éventuellement de conquérir des terres qui peuvent être redistribuées. En l'absence d'expansion territoriale, les liens vassaliques se distendent. Pour se pérenniser, une puissance doit s'étendre. Depuis des générations, les Pippinides étendent ainsi leurs dominations, et leurs comtes, s'enrichissant, cèdent des terres à leurs propres vassaux. Charles Martel et Pépin le Bref reprennent à l'Église une grande partie de ses biens pour les distribuer aux vassaux. Ceci leur permet, tout en stabilisant leurs acquis, d'avoir les moyens d'être à la tête d'une armée sans égale dans l'Occident médiéval.
Charlemagne se retrouve avec le même problème : il doit s'étendre en permanence pour entretenir ses vassaux et éviter la dissolution de ses possessions. Pendant tout son règne, il tente de les fidéliser par tous les moyens : en leur faisant prêter serment, en leur allouant des terres (seule richesse de l'époque) qu'ils doivent lui restituer à leur mort, en envoyant des missi dominici pour les contrôler et pour surveiller ce qui se trame à travers son empire. Pour pérenniser son empire naissant, il doit chaque année convoquer son armée (les historiens l'estimant de 10 000 à 40 000 hommes) lors du champ de mai et la lancer vers de nouvelles conquêtes, chaque vassal devant apporter son équipement et ses vivres pour trois mois.
Royaumes versant un tribut}}
Une fois seul maître du royaume franc, il agrandit son royaume vers le nord et l’est (Bavière, Saxe, Frise), vers l’ouest (Bretagne) et vers le sud (nord de l’Èbre en Espagne en 778, établissant des marches). Il fait, à partir de 772, une guerre acharnée aux Saxons, qui, commandés par Widukind, lui opposent une vigoureuse résistance : il n'achève de les soumettre qu'en 804 ; il se voit même contraint, pour prévenir leurs révoltes, d'en déporter un certain nombre.
À l'avènement de Charlemagne, l'Italie a, depuis la reconquête byzantine par Justinien en 535, été envahie progressivement (mais dans sa quasi totalité) par les Lombards. La papauté est toujours sous tutelle de l'Empire byzantin qui possède toujours les territoires autour de Rome. Cependant, accaparé par sa lutte contre l'expansion de l'empire musulman, le basileus n'a plus les moyens de protéger Rome menacée par les Lombards. S'affranchissant de la tutelle byzantine, la papauté se tourne donc vers les Francs. En 774, Charlemagne intervient et défait Didier, roi des Lombards qui menace de nouveau le pape, et s'empare de ses États. L'exarchat byzantin de Ravenne n'est tombé que 23 ans plus tôt et c'est donc une région très cultivée qui passe sous domination franque.
En 778, Charlemagne intervient en Espagne et, malgré un échec subi de la part des Vascons à Roncevaux par son arrière-garde que commande Roland, présenté comme son neveu dans la célèbre chanson de geste qui porte son nom, il remporte plusieurs victoires sur les Sarrasins et réussit à conquérir une partie de la Catalogne.
En 781, il procède à la répartition du domaine royal en faisant couronner roi des Francs son fils ainé Charles âgé de 9 ans, roi d'Italie son fils Carloman âgé de 4 ans qui prend à l'occasion le prénom de Pépin et enfin roi d'Aquitaine son fils cadet Louis âgé de 3 ans. Ses donations sont sans risque pour l'intégrité de l'empire puisque ses enfants sont mineurs et placés sous le contrôle de conseillers impériaux.
L'annexion de la Frise orientale (la région s'étendant du Zuiderzee jusqu'à l'embouchure de la Weser) par les Francs ne fut acquise, en apparence, qu'après 782, voire 785. C'est à cette dernière date que Widukind, le chef de la résistance païenne des Saxons se soumit à Charlemagne. Néanmoins, la situation politique demeura tendue encore plusieurs années pour les Francs.
Le peuple, d'origine celtique, de Bretagne considère le roi des Francs comme un monarque étranger, et lui résiste de manière acharnée. En 786, Charlemagne envoie des forces considérables ravager la Bretagne, sans toutefois parvenir à la soumettre. Il essaye à nouveau en 799 puis en 811, mais à chaque fois sans succès.
En 788, il s'attaque à Tassillon, duc de Bavière, qui conspire contre lui avec les Saxons. Il le réduit à l'impuissance et ajoute ses États à son empire.
En 791, avec l'aide de son fils Pépin d'Italie, il mène contre les Avars une première expédition. En 795, il réussit à s'emparer de leur camp retranché, le Ring avar, avec un trésor considérable, fruit de plusieurs dizaines d'années de pillage. En 805, les derniers Avars rebelles sont définitivement soumis.
Couronnement impérial
Couronnement de Charlemagne. Chroniques de Jean Fouquet
Voir|Empire carolingien
Le jour de Noël de l'an 800, Charlemagne est couronné empereur d'Occident par le pape Léon III, à Rome, à la basilique Saint-Pierre. Il se montre courroucé que les rites de son couronnement soient inversés au profit du pape. En effet, ce dernier lui dépose subitement la couronne sur la tête alors qu'il est en train de prier, et ensuite seulement le fait acclamer et se prosterne devant lui. Une manière de signifier que c'est lui, le pape, qui fait l'empereur – ce qui anticipe sur les longues querelles des siècles ultérieurs entre l'Église et l'Empire. Selon Eginhard, le biographe de Charlemagne, l'empereur serait sorti furieux de la cérémonie : il aurait préféré que l'on suive le rituel byzantin, à savoir l'acclamation, le couronnement et enfin l'adoration – c'est-à-dire, selon les Annales Royales, le rituel de la proskynèse (prosternation), le pape s'agenouillant devant l'empereur. C'est en se souvenant de cet épisode que Napoléon prend soin, un millénaire plus tard, lors de son couronnement en présence du pape, de se poser la couronne lui-même sur la tête.
Mais l'empire byzantin refuse de reconnaître le couronnement impérial de Charlemagne, le vivant comme une usurpation. Charles et ses conseillers objectent que l'empire d'Orient étant tombé aux mains d'une femme, l'impératrice Irène de Byzance, cela équivaut à une déshérence pure et simple du titre impérial, qui ne peut être assumé que par un mâle. Avec le traité de paix d’Aix-la-Chapelle en 812, l’empereur d'Orient Michel Ier Rhangabé daigne accepter vraiment de reconnaître le titre impérial de Charlemagne et de ses successeurs, et encore, en utilisant des formules détournées évitant de se prononcer sur la légitimité du titre, telles que : « Charles, roi des Francs (...), que l'on appelle leur empereur ».
L'empire de Charlemagne en 814.
Charlemagne considère que la dignité impériale ne lui est conférée qu'à titre personnel, pour ses exploits, et que son titre n'est pas appelé à lui survivre. Dans ses actes, le souverain se titre « empereur gouvernant l’Empire romain, roi des Francs et des Lombards » (Karolus, serenissimus augustus, a Deo coronatus, magnus et pacificus imperator, Romanum gubernans imperium, qui et per misericordiam Dei rex Francorum et Langobardorum). Dans son testament, en l'an 806, il partage l'empire entre ses fils, suivant la coutume franque, et ne fait aucune mention de la dignité d'empereur. C'est seulement en 813, quand il n'a plus qu'un seul fils encore vivant, le futur Louis le Pieux, que Charlemagne décide dans son testament du maintien de l'intégralité de l'empire et du titre impérial.
Selon les lettrés de l'époque, comme Alcuin, le prince idéal doit avoir un but religieux, et lutter contre les hérétiques et les païens, y compris hors des frontières. Mais il doit avoir aussi un but politique : ne pas se contenter de la dignité royale, et devenir empereur d'Occident. Léon III va dans ce sens, mais pour lui le pouvoir spirituel l'emporte sur le pouvoir temporel, ce qui explique cette organisation lors du couronnement de Charlemagne.
Restructuration de la société agricole et féodalité
À partir de 800, les campagnes militaires se font plus rares et le modèle économique franc basé sur la guerre cesse d'être viable. Il repose sur une main-d'œuvre alternativement combattante ou servile où l'agriculture est encore largement inspirée du modèle antique esclavagiste. Mais ces esclaves ont une productivité faible, car non seulement ils ne sont pas intéressés aux résultats de leur travail, mais ils sont coûteux en saison morte. En période de paix, nombreux sont les hommes libres qui choisissent de poser les armes pour le travail de la terre, plus rentable. Ceux-ci confient leur sécurité à un protecteur, contre ravitaillement de ses troupes ou de sa maison. Certains arrivent à conserver leur indépendance, mais la plupart cèdent leur terre à leur protecteur, et deviennent exploitants d'une tenure (ou manse), pour le compte de ce dernier.
Denier de Charlemagne (812-814). Cabinet des Médailles.
Inversement, les esclaves sont émancipés en serfs, dépendants d'un seigneur auxquels ils versent une redevance et deviennent plus rentables. Cette évolution se fait d'autant mieux que l'Église condamne l'esclavagisme entre chrétiens. La différence entre paysans libres et ceux qui ne le sont pas s'atténue.
Parallèlement, la frappe de monnaie d'argent, développée depuis plusieurs générations, et son homogénéisation en 781 par Charlemagne, est un progrès énorme. Sans monnaie, le paysan ne produisait que ce qu'il lui fallait pour survivre et pour le versement d'une partie de sa production à son seigneur. Avec la monnaie, il peut vendre des surplus de production et améliorer sa condition.
Les Carolingiens ont pris d'autres mesures pour favoriser le commerce : ils entretiennent les routes, favorisent les foires... Cependant, ce commerce est étroitement encadré (les prix sont fixés depuis 794, l'exportation des armes est prohibée) et taxé puisque le but initial de cette activité est d'avoir accès à des produits précieux afin d'entretenir ses vassaux. Ainsi, si la restructuration de la société agricole est en germe, elle ne se concrétisera pas avant la révolution agricole de l'an 1000.
Fin de règne
Partie du suaire mortuaire de Charlemagne. Il représente un quadrige et fut fabriqué à Constantinople.
Son fils Pépin d'Italie décède en 810 et le cadet Charles en 811. En 813, il associe son fils survivant Louis à l'empire. Charlemagne meurt le 28 janvier 814 à Aix-la-Chapelle.
Au lendemain de sa mort en 814, son vaste empire est borné à l'ouest par l'océan Atlantique (sauf la Bretagne), au sud, par l'Èbre, en Espagne, par le Volturno, en Italie ; à l'est par la Saxe, la rivière Tisza, les contreforts des Carpates et l'Oder ; au nord par la Baltique, le fleuve Eider, la mer du Nord et la Manche.
Chronologie
Charlemagne et Pépin le Bossu. Annales de Fulda, Xe siècle.
2 avril 742 ou 748 : naissance de Charlemagne.
9 octobre 768 : début du règne de Charlemagne, roi des Francs. Couronnement à Noyon. Il règne avec son frère Carloman Ier jusqu’en 771.
770 : Charlemagne remporte une victoire complète sur les peuples d'Aquitaine, qui voulaient se rendre indépendants.
771 : Charlemagne règne seul, après la mort de son frère Carloman Ier.
772 : début des guerres de Saxe.
774 : soumission des Lombards.
778 : début des guerres contre les Maures.
788 : diète d'Empire à Ingelheim : la Bavière perd son indépendance. Tassilon est condamné à mort.
25/décembre/800 : Charlemagne, roi des Francs, est couronné empereur d’Occident à Rome par le pape Léon III. Début du nouvel Empire d'Occident.
804 : soumission des Saxons après 32 ans de guerres.
810 : Charlemagne s'installe définitivement à Aix-la-Chapelle.
812 : par le traité d’Aix-la-Chapelle, l’empereur d'Orient Michel Ier reconnaît Charlemagne comme empereur d’Occident.
813 : il associe son fils Louis à l'empire.
28/janvier/814 : mort de Charlemagne à Aix-la-Chapelle.
29/décembre/1165 : canonisation par le pape Pascal III.
La renaissance carolingienne
Charlemagne et le pape Adrien Ier
Les lettrés du temps utilisent le terme renovatio pour qualifier le mouvement de renouveau en Occident qui caractérise la période carolingienne, après deux siècles de déclin.
Depuis la chute de l'Empire romain, en 476, les rois Ostrogoths, fortement romanisés, respectent le patrimoine culturel latin et s'entourent de lettrés tels que Cassiodore ou Boèce. L'isolement est de courte durée puisque, dès 535, l'empereur byzantin Justinien réussit à reconquérir l'Italie.
L'exarchat de Ravenne et des lettrés, tels Cassiodore, préservent et enrichissent les connaissances qui sont conservées dans les bibliothèques italiennes depuis la chute de l'Empire romain. Au , l'exarchat est soumis à la pression des Lombards, qui profitent du fait que les Byzantins, accaparés par leur lutte contre les musulmans, ne peuvent plus protéger l'Italie. Rome s'affranchit alors de la tutelle byzantine. Les tensions entre Rome et Byzance s'aggravent, et le premier iconoclasme, ou Querelle des Images, fait fuir de nombreux artistes byzantins à Rome où l'art se développe rapidement. L'exarchat de Ravenne tombe aux mains des Lombards seulement en 751 : ils administrent l'Italie du nord, mais ne détruisent pas plus le patrimoine culturel que ne l'ont fait avant eux les Ostrogoths. Rome donne donc tout son soutien à la constitution d'un empire d'Occident capable de défendre la papauté contre les Lombards et les Byzantins. Dès 774, Charlemagne vainc les Lombards et prend ainsi le contrôle de l'Italie du nord et de son précieux patrimoine culturel.
La chute du royaume Wisigoth, lors de l'invasion de l'Espagne par les Sarrasins, fait que de nombreux intellectuels et ecclésiastiques, comme Théodulf d'Orléans ou Benoît d'Aniane, rejoignent la cour de Pépin le Bref. Les Carolingiens bénéficient ainsi de connaissances venues du royaume qui se voulait l'héritier de l'Empire romain et le conservateur de sa culture.
Charlemagne, entouré de ses principaux officiers, reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits, ouvrage de ses moines. Victor Schnetz, 1830, musée du Louvre, Paris
Depuis le , le monachisme est très fortement développé en Irlande et en Northumbrie. Les monastères irlandais conservent les connaissances latines et grecques, et sont le siège d'une vie intellectuelle intense. Les invasions conduites par les Vikings font venir des îles Britanniques des érudits qui contribuent, avec l'instauration de la règle de saint Benoît d'Aniane, à l'essor de la vie monastique dans le royaume carolingien.
Cette poussée monastique et la facilitation de l'écriture aboutissent à un meilleur partage des connaissances. Ainsi, de nombreux érudits de toute l'Europe viennent à la cour de Charlemagne et, en y partageant leurs connaissances, déclenchent la renaissance carolingienne. Parmi ceux-ci, on compte :
Alcuin, arrivé d’Angleterre en 782, est l’un des principaux conseillers de l’empereur. Il participe activement au renouveau biblique : la bible d’Alcuin est l’un des plus anciens manuscrits d’Occident. Il institue à Aix-la-Chapelle une école palatine pour former les futures élites laïques et religieuses. Il met en place un vaste programme d'éducation reprenant la structure des sept arts libéraux de Martianus Capella, Cassiodore, Boèce, transmise par Bède le Vénérable.
Théodulf, Wisigoth (originaire de l’actuelle Espagne), poète, théologien, s’oppose à Constantinople sur la question de l’iconoclasme.
Benoît d'Aniane qui instaure une réforme religieuse en Aquitaine, puis unifie la liturgie en 817, forme des centaines de moines qui vont essaimer dans tout l'empire répandant la règle bénédictine.
Eginhard, historien et biographe de Charlemagne (voir ci-dessous),
Paul Diacre, auteur d'une Histoire des Lombards,
Pierre de Pise, lettré italien.
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Au début de son règne, Charlemagne n’a pas de lieu de résidence fixe. Il se déplace avec sa cour de villa en villa comme celles de Metz ou de Thionville où il rédigera un premier testament en 805.
L’empire est administré par les missi dominici, qui vont par deux : un comte et un évêque. Ces hauts commissaires sont chargés de visiter chaque année toutes les provinces de son vaste empire et de faire respecter partout le pouvoir central selon les capitulaires. Ces capitulaires sont des directives élaborées à la cour au cours de grandes assemblées appelées plaids. Sur le modèle des Annales maximi de la république romaine, un clerc tient à jour la chronique des événements du règne, consignés dans les Annales regni Francorum.
À partir de 790, l'empereur réside le plus souvent à Aix-la-Chapelle qui devient capitale de l'empire carolingien. Il entretient de très bonnes relations avec le calife abasside de Bagdad, Haroun ar-Rachid, son allié de fait contre l'émirat ommeyyade dissident de Cordoue qui contrôle l'Espagne, mais aussi contre l'empire byzantin. Il reçoit de lui en cadeau, entre autres, un éléphant blanc nommé Abul-Abbas, en 797 ou 801 selon les sources. Le calife l'assure en outre que la pleine liberté resterait assurée aux pèlerins chrétiens se rendant à Jérusalem.
Denier sous Charlemagne
Charlemagne met en place une monnaie unique dans l’empire, développe l’utilisation de l’écrit comme moyen de diffusion de la connaissance (particulièrement l’usage de la langue latine) et promeut la poésie dans son Académie palatine.
Les scriptoria se développent dans les abbayes carolingiennes : Saint-Martin de Tours, Corbie, Saint-Riquier, etc. Le succès de ces ateliers de copiage est rendu possible grâce à l’invention d’une nouvelle écriture, la minuscule Caroline, qui gagne en lisibilité, car les mots sont séparés les uns des autres, et les lettres mieux formées. L’Évangile de Godescalc, un évangéliaire écrit par un scribe franc entre 781 et 783 sur ordre de Charlemagne, est le premier exemple daté d’écriture minuscule caroline.
À sa cour, il encourage l'étude de certains auteurs de l’Antiquité, et Platon y est connu. (Aristote ne sera redécouvert qu’à partir du en Occident). En 789, il promulgue le capitulaire Admonitio generalis qui ordonne que soit créée dans chaque évêché une école destinée aux enfants laïcs.
Sous son règne, l'art préroman apparaît, et un bon nombre de cathédrales sont construites dans tout l’empire. Elles seront pour la plupart toutes reconstruites lors de la renaissance ottonienne et au . Certains de ces monuments reprennent le plan hexagonal des églises d’Orient. La chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle en est un exemple, ainsi que la petite église de Germigny-des-Prés entre Orléans et Saint-Benoît-sur-Loire.
L’héritage administratif de Charlemagne sera repris dans les Flandres, ainsi que par les Normands qui vont appliquer ces principes après leur conquête de l'Angleterre.
Généalogie
Ascendance
+- Charles dit Martel (v.690-† 741), maire du palais d’Austrasie (719), ¦ maire du palais de Neustrie (719), maire du palais de Bourgogne (719) +- Pépin dit le Bref (v.715-† 768), maire du palais de Bourgogne (741), ¦ ¦ maire du palais de Neustrie (741), maire du palais d’Austrasie (747), ¦ ¦ roi des Francs (751) ¦ +- Rotrude (?-?) ¦ Charles dit le Grand ou Charlemagne ¦ ¦ +- Caribert ou Héribert (?-?), comte de Laon +- Bertrade ou Berthe de Laon dite au Grand Pied (?-† 783) +- Gisèle. (?-?)
Descendance
Charles Ier dit le Grand ou Charlemagne Concubine 768 Himiltrude ¦ +- Pépin dit le Bossu (ca 770-811), enfermé par son père à l’abbaye de Prüm en 792
1)x 769 Désirée de Lombardie (cf. Lombardie), répudiée vers 770/771, sans descendance.
2)x 771 Hildegarde de Vintzgau, fille de Gérold Ier de Vintzgau et Emma d'Alémanie. (cf. Agilolfing) ¦ +-1 Charles le jeune (ca 772-811) +-2 Adélaïde (?-774) +-3 Rotrude (ca 775-6 juin 810), fiancée pendant six ans à Constantin VI, fils de l’impératrice Irène ¦ x Rorgon Ier du Maine (cf. Rorgonides) ¦ ¦ ¦ +-Louis (?-† 867), abbé de Saint-Denis, Saint-Riquier, Saint-Wandrille. Chancelier de Charles le Chauve. ¦ +-4 Pépin d'Italie 777 - 810, roi d’Italie (cf. Herbertiens) ¦ x Rothais ¦ ¦ ¦ +- Bernard d'Italie dit Bernard Martel, roi d'Italie. ¦ x Cunégonde de Gellone, fille de Guillaume de Gellone, et de Cunégonde d’Austrasie ¦ ¦ ¦ +- Pépin II d'Italie, ancêtre des comtes de Vermandois ¦ +-5 Louis Ier dit le Pieux 778 - 840, roi d’Aquitaine, empereur d’Occident ¦ 1) x 793 Theudelinde de Sens ¦ 2) x 798 Ermengarde de Hesbaye ¦ 3) x 819 Judith (cf. Welfs) ¦ +-6 Lothaire 778 - 779, frère jumeau de Louis +-7 Berthe (ca 779-823) ¦ x 795 Angilbert de Ponthieu, abbé de Saint-Riquier ¦ ¦ ¦ +- Nithard ¦ +- Harmid ¦ +-8 Gisèle (781-ap. 814) +-9 Hildegarde 782 - 783
3)x en 783 Fastrade de Franconie ¦ +- Théodrade (ca 785-ca 853), abbesse d’Argenteuil +- Hiltrude (ca 787-?), abbesse de Faremoutiers
4)x vers 794 Luitgarde d'Alémanie, sans descendance
concubine Madelgarde ¦ +- Rothilde 790 - 852, abbesse de Faremoutiers
concubine ??? ¦ +- Rothaide (v.784-ap.814)
concubine Gerswinde de Saxe ¦ +- Adeltrude(?-?)
concubine vers 800 Régina ¦ +- Drogon 801 - 855, abbé de Luxeuil (820), puis évêque de Metz, vicaire du Saint-Siège (844) +- Hugues 802 - 844, archichancelier de Louis le Pieux, abbé de Saint-Quentin, de Lobbes et de Saint-Bertin.
concubine vers 806 Adelinde ¦ +- Thierry ou Théodoric (807-ap. 818), clerc
Le monogramme de Charlemagne
Signature de Charlemagne contenant son monogramme
Charlemagne apprend à écrire tardivement, et ne parvient jamais à maîtriser cette difficile technique, ce qui le motive à créer une école dans son palais, afin que les hommes devant le servir soient à même de rédiger des rapports. Cependant, afin de lui permettre de signer autrement que d’une simple croix, Eginhard lui apprend à tracer ce signe simple, un monogramme, qui contient toutes les lettres de son nom, Charles (Karolus en latin). Les consonnes sont sur les branches de la croix, les voyelles contenues dans le losange central (A en haut, O est le losange, U est la moitié inférieure).
Bien que ne sachant pas écrire, Charlemagne sait lire. Sa langue maternelle est le francique ; il parle couramment le latin et le grec. La vie de Charlemagne est relatée par le moine Eginhard, qui le suit tout au long de sa vie (voir l'article général Les Carolingiens)
La figure de Charlemagne est idéalisée dans la culture médiévale, notamment au travers des chansons de geste, dans lesquelles il fait partie des Neuf Preux :
Charlemagne vu par…
Statue du IXe siècle représentant Charlemagne dans l'église Saint Jean-Baptiste de Müstair en Suisse.
Saint-Just, dans le chant I de son poème Organt, fait allusion à Charlemagne en ces termes : Il prit un jour envie à Charlemagne
De baptiser les Saxons mécréants :
Adonc il s’arme, et se met en campagne,
Suivi des Pairs et des Paladins francs.
Monsieur le Magne eût mieux fait à mon sens
De se damner que de sauver des gens,
De s’enivrer au milieu des Lares,
De caresser les Belles de son temps,
Que parcourir maints rivages barbares,
Et pour le Ciel consumer son printemps.
Éginhard, dans Le couronnement de Charlemagne. Chroniqueur franc, ami et conseiller de Charlemagne, Éginhard a écrit sur lui une biographie plutôt élogieuse. En voici un extrait :
Venant à Rome pour rétablir la situation de l’Église, qui avait été fort compromise, il y passa toute la saison hivernale. Et, à cette époque, il reçut le titre d’empereur et d’auguste. Il y fut d’abord si opposé qu’il s’affirmait ce jour-là, bien que ce fut celui de la fête majeure, qu’il ne serait pas entré dans l’église, s’il avait pu savoir à l’avance le dessein du pontife.
Honoré de Balzac, dans Sur Catherine de Médicis : la reine met sur le compte des erreurs tactiques de Charlemagne, l'obligation où elle est de faire la guerre aux huguenots. Elle s'en réclame aussi pour justifier que les descendants de Charlemagne soient en droit de reprendre une couronne usurpée par les descendants de Hugues Capet
Charlemagne se trompait en s'avançant vers le nord. Oui, la France est un corps dont le coeur se trouve au Golfe du Lion, et dont les deux bras sont l'Espagne et l'Italie. On domine ainsi la Méditerranée qui est comme une corbeille où tombent les richesses de l'Orient.
Fausses idées sur Charlemagne
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Charlemagne n'a jamais inventé l'école. L'enseignement existait déjà bien avant lui.
Honneurs posthumes
De nombreux bâtiments à Aix-la-Chapelle portent son nom.
Un bâtiment de la Commission Européenne à Bruxelles a également pris son nom en référence au boulevard du même nom qui sépare ce bâtiment du Berlaymont (Centre névralgique de la Commission européenne).
Une statue de Charlemagne devant la cathédrale Notre-Dame de Paris et une autre sur le boulevard d’Avroy à Liège.
Un immense vitrail dans la salle d'honneur de la gare de Metz.
Une statue équestre de Charlemagne (réalisée par Agostino Cornacchini) dans le grand hall de la basilique Saint-Pierre au Vatican.
Chaque année, un prix Charlemagne est décerné à Aix-la-Chapelle à une personnalité qui a œuvré en faveur de l’Europe. En 2010, le prix a été décerné au Polonais Donald Tusk.
Un lycée parisien s’appelle le Lycée Charlemagne. Idem à Thionville.
Un nombre incalculable de rues, d’écoles, d’associations culturelles, de bâtiments communaux, ou encore d’entreprises utilisent le nom de Charlemagne et de ses ancêtres dans les communes de Herstal, Jupille, Metz.
Une division SS prit le nom de Division Charlemagne.
La Route Charlemagne qui passe en France par Laon, Vervins, Hirson et en Belgique par Chimay, Couvin, Philippeville, Dinant, Liège et arrive à Aix-la-Chapelle en Allemagne.
La chanson française Sacré Charlemagne, (Qui a eu cette idée folle, un jour d'inventer l'école...) interprétée par France Gall fut un grand succès des années 1960.
Plusieurs pièces de monnaie française ont été frappées avec le chef de Charlemagne.
Statue équestre de Charlemagne, par Agostino Cornacchini (1725) - Basilique Saint-Pierre du Vatican, Italie.
Charlemagne est mis au nombre des saints en 1165 par l'antipape Pascal III, à l'instigation de l'empereur Frédéric Barberousse. La cérémonie religieuse d'élévation des ossements de Charlemagne eut lieu à Aix-la-Chapelle le 29/décembre/1165, par Renaud de Dassel, archevêque de Cologne et Alexandre II, évêque de Liège. La papauté qui suivit ne se prononça jamais sur la légitimité de la canonisation de Charlemagne, mais préféra ne pas le compter au nombre des saints, en raison de la conversion des Saxons par la violence ; en revanche, son culte reste toléré et sa qualité de bienheureux reconnue par le pape Benoît XIV . Toujours est-il qu'il est entré dans l'ordo (calendrier) de plusieurs diocèses situés dans la région d'Aix-la-Chapelle, où ses ossements sont encore exposés à la vénération des fidèles. Sa fête est fixée au 28 janvier.
Depuis 1661, Charlemagne est le patron de l'université de Paris qui le fête encore annuellement au et dans plusieurs collèges encore dans la première moitié du .
L'Association des lauréats du Concours général, en France, tient toujours son repas annuel aux environs de la Saint-Charlemagne.
Statue de Charlemagne à Liège
Son épée Joyeuse et ses éperons d'or étaient utilisés lors du couronnement des rois de France. Ces objets, ainsi que son échiquier personnel en ivoire, firent partie du trésor des rois de France en la basilique Saint-Denis jusqu'au 11 septembre 1793, date à laquelle ce dernier fut en grande partie dispersé ou perdu du fait des révolutionnaires français. Joyeuse fut réutilisée lors du couronnement impérial de Napoléon Ier. Ces objets — sauf l'échiquier perdu — sont actuellement en la galerie Richelieu, au musée du Louvre.
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